Overblog
Editer la page Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog pro de Barbara Merle

Mes derniers articles parus

Quoi de neuf en matière de fers ? Sports Equestres

Publié par Barbara Merle in Sports Equestres, Ferrure, Maréchalerie, Aplombs, Fers orthopédiques, Denis Leveillard

Depuis une vingtaine d’années, nous assistons à une évolution assez importante dans le domaine de la ferrure. Apparition de multiples fers, de différentes formes, parfois les plus étonnantes, mais aussi évolution dans les matériaux dans lesquels sont fabriqués les fers. Le but : s’adapter au plus près de la morphologie de chaque cheval … et donc de ses faiblesses spécifiques. Avec une difficulté dans cette offre démultipliée : trouver le bon fer pour son cheval.

Des centaines de fers sont aujourd’hui disponibles sur le marché, pour chaque discipline et quasiment pour chaque cheval : fers en aluminium, en acier, fers composites, à un ou deux pinçons, dotés de formes imaginées pour répondre à des problématiques bien précises, défauts d’aplombs et/ou pathologies du pied. « L’évolution est certainement due à une meilleure compréhension des surfaces d’appui du pied du cheval. Nous sommes passés de la tradition à une approche plus scientifique du cheval de sport. Traditionnellement, la maréchalerie était basée sur le cheval de travail qui devait tracter dans des terrains profonds d’où un besoin d’une grosse surface d’appui. Cela impliquait de grands bras de levier (*), obligeant le pied à poser à plat et limitant son enfoncement dans le sol. Ce qui était positif aux allures lentes des travaux agricoles, devient nocif aux allures vives : un pied à plat, en ne suivant pas l’inclinaison du membre, entraîne de grosses contraintes articulaires au niveau des doigts du cheval. Avec le développement du cheval de sport, ferrer est devenu plus pointu car nous cherchons à diminuer ces bras de levier et ce, selon la morphologie du cheval et sa discipline. Il y a aussi eu une grosse évolution au niveau des matériaux qui permet de diminuer le poids des fers. Moins le cheval est chargé, meilleur c’est pour sa santé, » explique Denis Leveillard, maréchal-ferrant spécialiste en orthopédie et en pathologie du pied du cheval. Quelle que soit la discipline pratiquée et pour un cheval avec de bons pieds, cette recherche d’allègement des fers reste majeure. D’autres critères entrent également en jeu, la protection, l’usure, le degré de dérapage (anti-dérapant ou au contraire ultra-dérapant pour les épreuves de reining), l’amortissement... En ce qui concerne la forme des fers, l’imagination… et la recherche ont été prolifiques. Il y a aujourd’hui sur le marché, foison de fers, la plupart pour répondre à des problèmes d’aplombs ou des pathologies avérées : fers en H, à oignons, à planche, en œuf, en cœur, asymétriques, paraboliques, couverts, suspenseurs, à « effet rolling », avec des branches plus ou moins larges, plus ou moins longues, plus ou moins biseautées… A y perdre son latin de néophyte, mais aussi à questionner le professionnel… « Autant le fer classique reste très traditionnel, autant il y a pléthore de fers kinésithérapiques. On approche du délire car certains sont devenus caricaturaux. Quand on connaît l’importance d’une infime modification ou d’une erreur de parage, on imagine les dégâts que peuvent faire ces fers kinésithérapiques. Un fer asymétrique peut avoir une branche trois fois plus couverte que l’autre ! Imaginez ce que cela peut faire de passer d’un fer équilibré à un fer asymétrique. Imaginez si l’on met sur un bateau deux flotteurs, dont l’un est trois fois plus gros que l’autre. Le bateau va dangereusement pencher ! Il ne faut pas tomber dans les extrêmes même si la diversité des fers est intéressante. Je pense qu’un bon maréchal doit bien connaître la biomécanique du cheval afin de diminuer les contraintes sur ses membres sans avoir besoin de tout ce catalogue de fers. »

Alors comment bien choisir la ferrure de son cheval ? C’est avant tout question de morphologie du cheval et de la discipline pratiquée, et pas comme on l’entend souvent, une question de race et d’âge. « Il est vrai que l’on ferre différemment un poulain pour sa première ferrure qu’un cheval en vitesse de croisière. Un poulain doit rentrer dans ses chaussures. Mais après, cela change peu, sauf si le cheval déclenche des problèmes de pied ou de membre. Il est aussi vrai que l’on ferre différemment un cheval de trait d’un pur sang, mais c’est plus une question de morphologie et d’activité que de race. »

Une morphologie que doit étudier de près le maréchal avant tout ferrage. « Il existe tout un protocole. Je dois connaître quand même l’âge, l’activité, le caractère, après je regarde l’historique sanitaire, puis bien sûr, je cherche à savoir ce qu’attend de moi le propriétaire et son budget. Puis je regarde le cheval dans sa morphologie, ses faiblesses. Je suis peu de chevaux sans problèmes, on m’appelle pour cela. Avec le vétérinaire, on tente d’établir le diagnostic le plus précis possible. Le cheval est-il bien dans des aplombs qui lui sont propres ou faut-il les modifier ? Chaque pied doit être paré afin que le cheval soit au mieux sur chacun de ses membres. »

Conclusion, il est essentiel de trouver un bon maréchal, qui ne vous proposera pas un fer à la mode mais pas forcément ajusté à votre cheval et très cher, trop cher, qui vous aidera à trouver le bon fer à la bonne taille dans un budget raisonnable, qui ne le ferrera pas trop « serré » de peur qu’il se déferre trop souvent… Car dans ce domaine, ce n’est qu’une question de confiance !

Quelques fers spécifiques

L’effet « rolling » (fer arrondi sur les extérieurs) : « C’est un terme à la mode mais l’effet est incontestablement positif. Je l’utilise tout le temps. Contrairement à ce que je pensais, il n’atténue pas le trousser du membre au lever, qui est naturellement aidé par la réaction élastique des ligaments. Il ne diminue donc pas le geste, mais adoucit la bascule du pied et diminue les contraintes articulaires, ligamentaires et tendineuses. »

L’effet « full motion rolling » : « Le fer est plus épais pour avoir un rolling tout autour du fer, ce qui permet une meilleure bascule du pied et ce dans toutes les directions. »

Le fer en H : « C’est une innovation particulièrement intéressante car il présente une grosse pénétrabilité dans toutes les directions, l’appui est toujours recentré par rapport au pied, ce qui réduit les contraintes articulaires L’inconvénient, comme l’appui est recentré, c’est que si un cheval présente une sensibilité à ce niveau, on en fait un cheval boiteux. »

Fer en cœur : « Il est utilisé pour deux pathologies très différentes. Chez un cheval fourbu, il a besoin du soutien de la 3ème phalange par l’intermédiaire de la fourchette. Ce fer présente une grande surface d’appui, pénètre peu dans le sol et la pointe du cœur soutient cette 3ème phalange. Posé différemment, il peut également être utilisé chez un cheval naviculaire (sans contact avec la fourchette). »

Le fer en œuf : « Il est beaucoup moins utilisé qu’à une époque pour les chevaux naviculaires. Il dispose d’une grande surface d’appui postérieur car il dépasse de la fourchette. Il limite l’enfoncement du talon dans le sol et permet d’économiser le fléchisseur profond. Le gros problème, c’est que le cheval se déferre beaucoup plus facilement. »

Fer à oignons : « Ce qui fait son intérêt, c’est aussi sa grande surface d’appui postérieur qui diminue l’enfoncement du talon. Mais il faut qu’il soit en aluminium et pas en acier pour qu’il ne soit pas trop lourd. »

Fer à planche ou fer à planche droite : « Il offre un appui à la fourchette lorsqu’elle descend et aide à l’expansion des talons, il augmente la flexion paturon-pied, ce qui facilite la circulation du sang. Et la pompe sanguine du pied est primordiale ! »

Fer asymétrique : « Il a une branche couverte et une branche amincie. Cette branche amincie limite le bras de levier, facilite la pénétration dans le sol. Mais le problème de ce fer, pour moi, c’est la branche couverte placée sous les ligaments lésés. Ce fer protège bien ce côté mais sollicite trop l’autre côté, celui du ligament sain. »

(*) Bras de levier : distances qui séparent le centre de pression du pied et le bord de la surface d'appui en contact avec le sol.

Encadré

Un ou deux pinçons ?

« Le fer à deux pinçons est un peu à la mode car il stabilise bien le fer et les clous bougent moins, d’où moins de risque de déferrer. Mais traditionnellement, on ferre les antérieurs avec un pinçon, question d’esthétique et d’efficacité. Cela ne bloque pratiquement pas les mouvements d’écrasement et d’élargissement de la base cornée, un phénomène naturel. Quand on met deux pinçons aux antérieurs, c’est pour mieux stabiliser le fer par exemple lorsque l’on rajoute des plaques amortissantes ou que l’on souhaite reculer le fer pour économiser l’appareil fléchisseur profond. Pour les postérieurs, on met plutôt deux pinçons, mais là encore cela évolue. Sur certains chevaux de dressage, qui ont besoin de beaucoup de propulsion, on s’est aperçu que de mettre un pinçon les aidait. »

Encadré

Quelle épaisseur ?

« Il y a encore quelques années, les fers en acier étaient plus épais, de 10mm. Comme on cherche à diminuer le poids, on met aujourd’hui des fers de 8mm, mais l’inconvénient majeur, c’est qu’ils s’usent plus vite. »

Encadré

Quelle périodicité ?

« Autant, autrefois un bon maréchal était capable de mettre des fers qui tenaient 4-5 mois, autant aujourd’hui, c’est la sauvegarde du système locomoteur qui est prioritaire et non plus la durée de la ferrure. La pousse de la corne et donc l’allongement du sabot a pour conséquence l’augmentation des bras de levier. Il vaut mieux que ceux-ci soient trop courts que trop longs. Les chevaux de sport sont ferrés toutes les 4 à 6 semaines en fonction de la vitesse de repousse de la corne et de la discipline. »

Encadré

Quel prix ?

Avec la démultiplication des fers sur le marché, les prix ont eux aussi suivis le mouvement. Si pour une ferrure classique, il faut compter au minimum 70 euros pour les quatre pieds, on peut vite faire monter la facture lorsque l’on souhaite rajouter des plaques, des résines et autres matériaux dernière génération, ou mettre des fers kinésithérapiques. Dans ces cas, le coût d’une ferrure peut facilement dépasser 200 euros.

A savoir : un fer en aluminium est 3 fois plus léger, 3 fois moins résistant, 3 fois plus cher que celui en acier doux.

A savoir : A l’époque de l’exploitation des mines de charbon, les chevaux étaient ferrés avec des fers en cuivre car ce métal ne provoque pas d’étincelles et… aucun risque de déclencher un coup de grisou.

Quoi de neuf en matière de fers ? Sports Equestres