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Le blog pro de Barbara Merle

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Bien récompenser dans Sports Equestres

Publié par Barbara Merle in Sports Equestres, Alimentation cheval, Récompenses

La grande majorité des cavaliers et dresseurs de chevaux utilisent la récompense comme un moyen de montrer au cheval leur satisfaction suite à un travail bien fait. Une petite tape sur l’encolure, un encouragement vocal ou une friandise sont des signes de remerciement largement plébiscités. La récompense ne doit cependant pas être utilisée à tort et doit être parfaitement associée à un exercice parfaitement réalisé ou à une épreuve réussie. Et contrairement à ce que l’on croit, elle n’est pas forcément reçue de manière positive par le cheval et pas toujours nécessaire…

On peut distinguer trois sortes de récompenses : le geste (une caresse, un grattage sur le garrot, une tape amicale), la voix avec une intonation particulière (« Oui, c’est bien ! », « Bravo, tu as bien fait ! », « Super ! »), et les récompenses alimentaires (un morceau de carotte, de sucre, une friandise). Elles sont utilisées indépendamment, mais plus souvent combinées entre elles selon les cavaliers ou dresseurs, et la difficulté du travail effectué.

D’après les scientifiques qui se penchent sur la question depuis une dizaine d’années, les récompenses offertes par le cavalier à sa monture ne sont pas forcément reçues par nos équidés comme nous le pensions. « Les chevaux, contrairement à d’autres animaux, ne sont pas très tactiles. La mère l’est avec son poulain pendant une période, les chevaux se grooment mutuellement, se grattent contre un arbre ou contre un poteau lors des mues, mais finalement ce n’est pas très fréquent, ce n’est pas une caractéristique aussi majeure qu’on le pense de cette espèce. Il faut faire la part des choses entre un animal hypersensible, ce qu’est le cheval, puisqu’il réagit à une mouche, et un animal tactile, qui aime le contact physique, » explique Martine Hausberger, directeur de recherche en éthologie animale et humaine de l’université de Rennes 1. Avec ses équipes, elle travaille entre autres sur les récompenses tactiles et alimentaires et essaie de comprendre si une récompense seule donne envie au cheval d’apprendre et de bien faire. C’est ce que l’éthologie scientifique appelle le renforcement primaire. « Nous avons testé la caresse et le grattage du garrot, nous avons constaté que ce n’était pas suffisant, certains chevaux avaient même une réaction négative. En revanche, la récompense tactile et la voix peuvent être utilisées en complément, ce que nous appelons le renforcement secondaire. Le cheval associera à plus ou moins long terme dans le cadre de son apprentissage une caresse ou un encouragement vocal à la satisfaction du cavalier. En fait, ce type de récompenses tactiles fait avant tout plaisir aux humains, qui pour le coup, sont des ‘’animaux tactiles’’, » précise la chercheuse.

A quoi sert donc la récompense si, finalement, elle n’est pas d’une utilité majeure ? « Cela participe à créer un lien entre le cheval et son cavalier ou son dresseur. Ce n’est pas très différent de ce que l’on voit dans la relation humaine, on a une mémoire positive ou négative des événements. Le cheval associera des gestes d’encouragement, une intonation positive à un exercice bien effectué, un parcours sans-faute. Peu d’études sont effectuées sur la voix, mais ce que l’on pense, c’est qu’une voix forte, ferme, dure pour ‘’punir’’ une action aura peut-être plus d’impact qu’une voix gentille et douce pour ‘’récompenser’’, » complète Martine Hausberger.

Conclusion de ces études, les récompenses tactiles et vocales sont intéressantes pour l’éducation et le lien, mais pas suffisantes. Seule la récompense alimentaire permet d’avoir une réponse rapide du cheval. « Par exemple, pour apprendre à un cheval à rester immobile à la voix, puis le faire reculer toujours à la voix, nous nous sommes rendus compte que s’il y a récompense alimentaire, les comportements du cheval sont beaucoup plus positifs vis à vis de l’Homme pendant l’exercice, et même après. Elle permet une performance plus rapide mais aussi le renforcement du lien entre le cheval et son dresseur, » explicite la spécialiste en éthologie scientifique.

C’est également l’avis du nutritionniste équin, Bertrand de Rancourt : « C’est un geste de satisfaction qui accompagne le dressage, c’est important, mais cela ne peut en aucun cas être le seul. Certains dresseurs de chevaux reconnus, respectés et aimés de leurs chevaux ne donnent pas de friandises. Je pense que quand l’exercice demandé est bien réalisé, il est bien de donner une récompense à son cheval. Mais le vrai bon geste, c’est d’arrêter le travail, de désangler, de descendre, de le flatter et de l’emmener brouter en mains, qui est pour moi la meilleure des récompenses. Il y a donc deux types de récompenses : à court terme, il fait un bon geste, on lui donne une friandise, et à long terme, il fait une séance de travail difficile, on l’emmène brouter pour qu’il accumule une mémoire positive du travail. A contrario, si la récompense n’est pas uniquement utilisée dans le cadre de l’éducation, cela peut vite devenir une mauvaise habitude. » Pour le nutritionniste équin, le cheval se démarque aussi d’autres animaux dressés, comme le chien, le chat ou les rapaces, parce que l’alimentation n’est pas le moteur du dressage. « Le cheval ne fera pas un sans-faute parce qu’il a faim ou sait qu’il aura à manger. Il n’aura pas besoin de carottes ou de sucre pour, à la fin du parcours, avoir les oreilles hautes et être joyeux. On ne joue pas avec le cheval sur des réflexes pavloviens. Avec le cheval, la relation affective ne passe pas par uniquement l’alimentation, il ne vous aime pas parce que vous le nourrissez. Par contre, on dresse un rapace en l’affamant, il faudra qu’il ait faim pour le faire voler. »

La récompense alimentaire serait donc plutôt une sorte de rituel entre l’Homme et le cheval, un rituel essentiel avant tout dans le cadre de l’apprentissage. Faire comprendre par un morceau de carotte que c’est effectivement le mouvement que l’on attendait de la part du cheval permet d’accélérer l’apprentissage. C’est aussi pour cela qu’avec les jeunes chevaux en apprentissage (quel que soit leur âge), même si l’exercice demandé n’est pas parfaitement exécuté, la récompense est bienvenue. Le but étant d’aller progressivement vers le geste juste et, plus tard, ne récompenser que le geste juste.

Mais, alors faut-il, systématiquement récompenser ? « Tout est question de dosage, il ne faut pas systématiser. Chez l’humain, la satisfaction du travail n’est pas que la récompense, mais aussi la satisfaction de soi. Un cheval se sent bien lorsqu’il fait quelque chose d’harmonieux, de fluide, sans douleurs. Il ne faut pas non plus le rendre dépendant de la récompense, » analyse Bertrand de Rancourt. « Dans la phase d’apprentissage, systématiser est nécessaire, mais dès que c’est acquis, la récompense peut devenir aléatoire, afin qu’il n’y ait pas d’attente et de frustration du cheval s’il n’y en a pas. L’aléatoire permet aussi de le maintenir dans un état d’attention propice pour accomplir un travail, » complète Martine Hausberger.

Ce qu’il faut également avoir toujours en mémoire, même cela paraît évident, c’est que la récompense doit intervenir tout de suite après un travail demandé dont le cavalier est satisfait. Si ce n’est pas le cas, le cheval est incapable de faire l’association entre un bon exercice et la récompense.

Comportements du cavalier à éviter en matière de récompenses

  • Systématiser la récompense : le cheval pourra devancer la récompense, réclamer…
  • Récompenser même si l’exercice demandé n’est pas exécuté parfaitement (sauf pour les chevaux dans la phase d’apprentissage pure)
  • Récompenser en dehors d’un contexte de travail : le cheval ne saura plus pourquoi il est récompensé. La récompense ne doit être mise en place que dans le cadre du travail, pas au box ou au pré par exemple.

Les récompenses alimentaires à privilégier … Bertrand de Rancourt

  • Faire brouter de l’herbe fraiche : « C’est sa récompense préférée. Au delà du plaisir pur, le fait de brouter produit de la sérotonine chez le cheval, qui l’apaise, fait baisser la pression. »
  • Donner des rondelles de carottes : « C’est l’aliment le plus proche de l’herbe au niveau du plaisir, c’est plein d’eau et croquant. Ne pas négliger non plus les fanes de carottes ! »
  • Donner un granulé : « Cela permet de montrer au cheval que c’est le geste qui compte et pas la quantité. »

Et celles à proscrire…

  • Le sucre : « Il est totalement interdit, c’est un véritable toxique. Chaque morceau de sucre ingurgité entraine une augmentation de l’insuline dans le sang, ce qui fait chuter le taux de sucre dans le sang. L’accumulation de ces montées et descentes peut engendrer des fourbures ou des myosites. »
  • Les friandises industrielles : « Il y a de tout, mais la plupart du temps, elles sont sèches et inintéressantes pour le palais du cheval, pleines de colorants. Les gros blocs de bonbons sont aussi à proscrire, en plus du sucre, ils stimulent trop les chevaux, cela les énerve au lieu de les calmer. »
Bien récompenser dans Sports Equestres