Overblog
Editer la page Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Le blog pro de Barbara Merle

Mes derniers articles parus

L’éthologie appliquée avec Elisabeth de Corbigny Sports Equestres

Publié par Barbara Merle in Sports Equestres

« Mon cheval s’encapuchonne et me prend la main »

Elève de John Lyons, l’un des plus grands chuchoteurs américains, Elisabeth de Corbigny a importé sa méthode depuis une quinzaine d’années en France. L’un des objectifs affichés, c’est d’introduire la science appelée « éthologie » dans l’équitation. La base de cette méthode, c’est de mieux comprendre la nature intrinsèque du cheval afin de pratiquer une équitation plus juste, au sens de « justice » pour le cheval, et de « justesse » dans la qualité des mouvements. C’est également de retrouver les fondamentaux de l’équitation classique, enseignés depuis des décennies par les grands maîtres, Baucher, L’Hotte, La Guérinière, pour ne citer que les Français… et qui est parfois un peu oubliée. Cela passe par l’apprentissage d’un certain nombre de ces bases classiques, mais aussi par l’acquisition d’outils pour une meilleure communication entre le cavalier et son cheval…

Cas concret, Hugo, 5 ans, s’enferme, s’encapuchonne, perd le contact, chauffe très vite et prend la main de sa cavalière, Sarah.

Première séance : la présentation du cheval monté par sa cavalière

Elisabeth de Corbigny observe le comportement de Hugo lors de cette séance où sa cavalière, Sarah, le monte comme elle a l’habitude de le faire. Très vite, Hugo devient difficile à gérer : au début, il fuit son mors en s’encapuchonnant, et il se couche complètement sur les cercles en tombant sur les épaules. Puis brusquement, il sort de la main pour partir au galop la tête en l’air, le dos creux, et les postérieurs loin derrière lui.

« Hugo et Sarah sont l’exemple type où l’éthologie va vraiment aider le cheval à comprendre comment se remettre en équilibre, autant sur le plan physique, mental qu’émotionnel. Ce n’est pas Sarah qui monte ‘’mal’’ à cheval, mais bien Hugo qui n’a rien compris à l’équitation. Hugo cherche en permanence comment mettre ses pieds sous son corps. Il est en déséquilibre permanent et cette situation inconfortable le met dans un état de stress qui le pousse à ‘’fuir’’ en avant au lieu de ‘’pousser’’ en avant. Sarah, dessus, est toute crispée, résiste et rentre dans un rapport de force, car actuellement, elle n’a aucune autre solution, ce qui est compréhensible ! Et même les enrênements qu’elle utilise ne l’aident pas… Il va donc falloir apprendre à Hugo qu’il peut trouver son confort en restant ‘’sous le cavalier ‘’, dans la main, sans accélérer, ni s’énerver. Je vais donc travailler sur la direction, et aussi et surtout, sur les transitions comme ‘’marche-trotte-stop-recule-trotte’’, afin que chaque exercice devienne confortable pour lui. »

Deuxième séance : travail à pied puis à cheval

L’apprentissage d’Hugo débute alors, comme toujours dans cette méthode, d’abord à pied avec une rêne, puis deux, pour reprendre ensuite tous les exercices de base à cheval. Avec lui, comme avec les autres chevaux, il faut prendre le temps d’installer un contact moelleux avec la main et lui apprendre à se poser sur son mors, sans résister. « Il faut désamorcer la bombe qui est en lui, qu’il s’apaise, lui montrer que ce qu’on lui demande n’est pas difficile et donc décomposer les exercices. C’est pour cela que je commence par un exercice basique, le faire bouger à pied, autour d’éléments dans le paddock, lui faire passer des barres au sol, une bâche, tout cela dans la décontraction. Je lui apprends à marcher, à s’arrêter, à reculer, et surtout à se concentrer. En l’occupant ainsi de manière positive sur des exercices qu’il apprend, cela permet de focaliser son attention sur le travail et non sur la peur, et donc cela l’aide à gérer son stress. »

Ensuite, Elisabeth de Corbigny reprend les fondamentaux de la méthode à pied : mettre un pli, trouver un contact et faire engager un postérieur, aux deux mains, au pas et au trot.

« Il est important chez Hugo de lui ouvrir l’angle tête-encolure en passant par l’étape du pli, menton à la pointe de l’épaule, qui va permettre au postérieur d’engager sous la masse et de pousser. On lutte contre l’encapuchonnement par une meilleure mise en main. »

Etape suivante, redécomposer à cheval tous les exercices effectués à pied, en insistant sur le pli et l’engagement des postérieurs, pour élever le garrot. « Quand on change de position sur la selle, il s’inquiète à nouveau, comme s’il avait peur du poids du cavalier. Je dois donc lui apprendre qu’il n’y a aucun danger pour lui, même si je bouge dessus, en me mettant en avant par exemple. Je cherche également à désamorcer sa peur du stick en le passant partout sur son corps. »

Pour ce cheval en particulier, il est essentiel au début, d’éviter les lignes droites, de le rééquilibrer d’abord sur des cercles, en rajoutant de très nombreuses transitions, et de faire beaucoup de pauses, rênes longues. Puis de « saupoudrer » quelques foulées de galop au milieu du travail au trot et … de le récompenser beaucoup. Au final, lui montrer que le travail peut- doit- se faire dans le calme, sans stress, qu’il est capable de comprendre ce qu’on lui demande.

Troisième séance : conseils à la cavalière Sarah

Pour ce cheval encore jeune, très émotif, avec peu d’expérience, l’objectif est avant tout de lui donner confiance et qu’il acquière la sérénité nécessaire à un bon apprentissage. « Pendant 8 semaines au moins, le but, c’est la gymnastique et la décontraction sur le plat. Donc pas de choses qui lui montent rapidement à la tête, comme les grands tours de carrière au galop ou l’obstacle. Imagine tous les exercices possibles afin qu’il comprenne que la main est un outil de communication et de décontraction qui va l’aider à trouver une position confortable en équilibre. Au lieu d’essayer de le tenir en permanence, ce qui le pousse à résister contre ta main, met un contact franc mais lentement, puis relâche. Laisse le dans le vide quelques foulées, puis reprend, pour qu’il apprenne à se tenir tout seul, et que vous n’entriez pas dans le cercle vicieux de la résistance. C’est la décontraction de l’ensemble machoire-nuque- encolure qui va lui permettre d’utiliser davantage la propulsion arrière. En travaillant sur des cercles, dans le pli de l’épaule en dedans, tu aides le postérieur intérieur à passer dessous et le postérieur extérieur à pousser plus fort. Les hanches sont à l’extérieur, non pas pour « déraper », mais au contraire pour aider les épaules à se mobiliser et à s’équilibrer, sans « tomber ». C’est un travail qui va te permettre de lui muscler le dos et les abdominaux, et grâce à cette musculature, il pourra se tenir en équilibre. »

Conclusion avec Sarah : quels apprentissages avez-vous retenus ?

« Je pensais qu’il faisait exprès lorsqu’il me prenait la main, qu’il me provoquait. J’ai pris conscience qu’il avait un sérieux problème d’équilibre. Je ne me rendais pas compte du problème de contact et que je lui demandais des exercices beaucoup trop difficiles pour son physique et son âge. Je dois m’armer de patience, demander les choses plus calmement et décomposer davantage. Il faut qu’il prenne confiance en moi, qu’il comprenne que je ne suis pas sur son dos pour lui faire du mal, et que mes mains et mes jambes ne sont pas là pour le punir. Comme il travaille bien aux longues rênes, je pense que je vais aussi beaucoup les utiliser. »

John Lyons : « La confiance et le respect, ça se mérite, ça ne se prend pas ».

Encadré

Qu’est-ce qui vous différencie d’un enseignant d’équitation ?

« Les enseignants apprennent au cavalier à monter à cheval. Mon métier, c’est d’apprendre au cheval à comprendre l’équitation, et l’équitation est difficile à comprendre pour les chevaux. Un cheval doit actionner lui-même le mouvement qu’on lui demande. Mais la bonne nouvelle, c’est que les chevaux ont une très grande capacité d’apprentissage et ont envie d’apprendre. Mon métier, c’est aussi d’aider le cavalier à mieux comprendre son cheval et à moins « consommer » l’équitation. Le cavalier doit devenir un enseignant pour son cheval, l’accompagner dans sa progression. »

Encadré

L’éthologie, c’est un peu aussi retrouver les fondamentaux de l’équitation classique…

« Oui, nous avons en France une gigantesque culture de l’équitation, à voir tous nos maîtres de l’équitation classique… Mais nous avons quelque part perdu beaucoup des concepts de cette équitation et il faut les retrouver : le contact, la décontraction, la mise en main, l’engagement, le rassembler… »

Encadré

Comment voyez-vous un cheval qui exprime une difficulté ?

« Comme un élève en situation d’échec scolaire. Il répond mal à la demande du cavalier car il ne comprend pas ce qui lui est demandé. Il faut donc lui donner de nouvelles bases de compréhension, lui redonner confiance, pour le sortir de cette situation. »

Encadré

Mobiliser la bouche pour mieux mobiliser les membres…

« Nous recherchons avant tout un contact moelleux avec la mâchoire, la bouche, et donc la tête et l’encolure, ce qui va permettre de mobiliser correctement les hanches, de faire engager les postérieurs sous le corps du cheval, puis dans un troisième temps, de remonter les épaules et le garrot, afin de mettre le cheval dans un bon équilibre. »

Elisabeth de Corbigny

Spécialiste en équitation éthologique, expert fédéral

Pour en savoir plus :

www.decorbigny.com

« Equitation éthologique – Equilibre et Légèreté- Tome 3 » Editions Vigot

Copyright Barbara Merle
Copyright Barbara Merle

Copyright Barbara Merle